Je me souviens de la première fois où j’ai senti Oud Maracuja. J’étais encore dans cette phase un peu méfiante vis-à-vis de l’oud, ce bois mystique que je trouvais souvent trop lourd, trop sec, trop « soir d’hiver en velours sombre ». Et pourtant, ce jour-là, il s’est révélé autrement.

Oud Maracuja, c’est un parfum créé par Jordi Fernández pour Maison Crivelli, une maison de haute parfumerie française que j’admire pour son approche sensorielle, presque synesthésique, des matières premières. Ici, c’est un extrait de parfum, d’une concentration rare, 32 %, autant dire une infusion d’intensité. Et pourtant, ce parfum ne m’écrase pas. Il m’enveloppe. Il m’ouvre les portes d’un oud lumineux, inattendu, traversé de fruits tropicaux comme un rayon de soleil vient frapper un bois ancien.

Ce qui frappe d’abord, c’est la passion. Littéralement. La passion (ou maracuja), juteuse, acidulée, presque sucrée comme un bonbon frais éclate dès la première seconde sur la peau. Un fruit qui ne joue pas les figurants : il est là, pleinement, au cœur du propos, et il donne au parfum cette vibration immédiate, ce flash tropical qui surprend dans un extrait si concentré.

Mais très vite, la passion se laisse envelopper. Par une rose turque, d’abord, veloutée et profonde, qui donne de la matière au fruit sans le faire disparaître. Par un safran discret mais élégant, presque cuiré, qui ajoute une touche épicée, un frisson inattendu. Et puis l’oud. Présent, oui, mais pas dominateur. C’est un oud souple, fondu, intégré dans la trame comme une colonne vertébrale boisée, jamais animale. On sent qu’il est là, pour structurer, pour réchauffer. Mais il n’impose jamais silence au reste.

oud Maracuja

Oud Maracujà – Maison Crivelli

Le cœur du parfum est une danse. Une ronde entre les bois, les fruits, les résines, le cuir. Patchouli, benjoin, vanille. Tout est fluide, fondu, complexe sans être brouillon. On devine un travail d’orfèvre dans les équilibres. Et surtout, rien ne s’essouffle. Après plusieurs heures, la peau garde encore cette chaleur vanillée, boisée, sensuelle, comme un châle porté tard dans la nuit.

Je le porte souvent le soir, en été. Ce qui peut sembler paradoxal pour un parfum à base d’oud. Et pourtant, il fonctionne merveilleusement bien dans la douceur des fins de journée chaudes, quand la lumière décline, que la peau a chauffé au soleil, et que l’on cherche une présence olfactive à la fois ample et élégante. Il a cette rondeur enveloppante qui rassure, cette fraîcheur fruitée qui intrigue, et cette tenue remarquable qui vous suit discrètement jusqu’au bout de la soirée.

Ce que j’aime particulièrement dans Oud Maracuja, c’est qu’il raconte une histoire peu commune. Celle d’un oud réinterprété à travers le prisme de l’exotisme, non pas oriental, mais tropical. Un oud qui ne rugit pas, mais qui chuchote. Qui ne s’impose pas par la force, mais par la richesse de sa construction. Et qui, surtout, reste fidèle à l’ADN de Maison Crivelli : celui de la surprise sensorielle, de la beauté inattendue.

À celles et ceux qui, comme moi, ont longtemps fui l’oud par peur de son opulence, Oud Maracuja pourrait bien être une révélation. Une passerelle. Un territoire à explorer. Et une preuve, s’il en fallait encore, que la parfumerie contemporaine peut encore nous surprendre.

Souad FG.

Où le trouver . sur leur site : Oud Maracujá – Extrait de parfum – Maison Crivelli